Un nouveau bar à Paris : le Sherry Butt

20 rue Beautreillis, 75004 Paris

Logo Sherry Butt

Le nom de ce bar parle a priori plus aux amateurs de whisky qu’aux aficionados de cocktails. Le sherry butt est un fût d’à peu près 500 litres qui a contenu un vin de Jerez, appelé « sherry » en anglais. Quel rapport avec le whisky me direz-vous ? (et vous auriez raison de me poser la question) Il est tout simple, les whiskies sont généralement vieillis dans des fûts ayant contenu auparavant un autre alcool, comme du bourbon, du vin ou … du sherry ! La boucle est bouclée. D’ailleurs je pense que ce n’est pas faire affront au Sherry Butt, avec ses 56 whiskies référencés, que de le qualifier de bar à whiskies qui fait de bons cocktails plutôt que l’inverse.

Créé par deux anciens du groupe ECC, Amaury et Cathleen, ce bar a ouvert mi-septembre rue Beautreillis. Très belle hauteur sous plafond, canapés confortables, murs avec pierre apparente, on se sent tout de suite à l’aise, l’espace est vraiment bien aménagé. Mais trêve de plaisanteries, vous ne lisez pas un article de Maison & Travaux mais un article de CocktailMolotov, alors place aux mélanges.

La carte est affichée au mur sur un grand tableau noir, et comme on pouvait s’y attendre, beaucoup d’ingrédients « maison » et originaux : sirop de thé, infusions, vinaigre balsamique etc. Sans nous concerter, nous voulons tous les deux prendre un « Lampone di Modena », attirés par le vinaigre balsamique. Juan Pablo, beau joueur, choisit donc un « Frangipane ». Le Frangipane est dans l’esprit du Mai Tai, très rafraîchissant et bien équilibré. L’amande est présente sans pour autant trop dominer. Du côté du Lampone di Modena, on est aussi sur la fraîcheur, grâce à un top de ginger ale un peu épicé. Le goût est très uniforme, difficile de distinguer le vinaigre ou la framboise, très bonne découverte. Petite touche originale avec un garnish de raisins secs.

Mais comme souvent, les meilleures surprises ne sont pas forcément sur la carte. Nous décidons donc d’aller « off the menu ». Puisque le bar met le scotch à l’honneur, on décide de faire confiance à Amaury pour travailler ce produit. Juan Pablo se retrouve avec une variante du Brooklyn (Whisky, Marascino, French vermouth, Picon) avec une touche de barrel-aged bitters. Excellent, très bien executé, mais un aromatique à base de whisky, c’est un objectif facilement atteignable pour un barman qui se respecte. On interroge alors un peu notre hôte, est-ce que le fait de se spécialiser dans le whisky ne cantonne pas à des variantes de Manhattan ou de Old-Fashioned ? Surtout avec des whiskys très tourbés, comme des Islay ? Amaury réagit au quart de tour :  » Je peux vous faire quelque chose de très frais avec un whisky tourbé ! ». Challenge accepted.

Bar Sherry

Et bien on n’a pas été déçu du voyage ! Une variante du Whisky Smash apparaît sous nos yeux, et dès la première gorgée, nous comprenons qu’on vient de boire un de ces cocktails qui change à tout jamais votre regard sur un produit. Et oui, je regarderai désormais la Suze d’un autre oeil ! Pas étonnant que les barmen anglais où australiens soient tous à la recherche de ce produit que les Français ont depuis longtemps laissé dans l’armoire de leur grand-père. L’amertume apporte une sensation désaltérante et de longueur, le mariage avec le fumé du scotch (The Peat’s Beast, un whisky que j’ai acheté par la suite, dès que j’en ai trouvé au Whisky Exchange à Londres) et l’acidité du citron est parfait, la pointe de menthe et le sirop d’agave viennent rehausser le tout, bref, un cocktail formidable.

Au final, on peut dire que le Sherry Butt fait déjà presque partie des meilleurs bars à cocktail de Paris (moins de deux mois après son ouverture), et nous lui prédisons un bel avenir. Amaury  connait très bien les produits brut (les scotch bien sûr, mais il n’était pas en reste sur les mezcals par exemple), il est entouré de Sully, un ancien du Prescription, et d’un jeune barman passionné par son métier. En plus d’être un bon barman, Amaury a aussi un peu de recul et une idée cohérente de son métier et du bar en général qui peut manquer à certains autres, ce qui a bien entendu interessé les théoriciens qui sommeillent au fond des membres de CocktailMolotov. A tester très rapidement, si ce n’est pas déjà fait !