Une journée au Rhum Fest

Comme on vous l’avez annoncé, le dimanche 6 avril (pour le grand public) et lundi 7 (pour les professionnels) se déroulait le Rhum Fest au Parc Floral. Comme vous le savez, quand s’ouvre un nouveau front dans la guerre mixologique, CocktailMolotov est en première ligne. Ne fuyant pas leurs responsabilités, Baptiste et Maxime sont allés enquêter directement sur le terrain.

10h59, Station de tram Montsouris
Mesdames et messieurs, exceptionnellement ce dimanche 6 avril, le service sera interrompu entre les stations Porte d’Ivry et Porte de Vincennes. Certainement la faute au Marathon de Paris, je ne sais pas pourquoi ces marathoniens seraient prioritaires, moi aussi j’en fais des marathons !

Bon ok, c’est pas les mêmes …

12h17, Parc Floral, stand Toucan
Enfin les portes s’ouvrent, et les corsaires les plus matinaux peuvent aller déguster leurs rhums préférés. Avec Baptiste nous faisons un premier tour, histoire de découvrir les marques présentes sur le salon, puis nous filons rencontrer les frères Arnold pour qu’ils nous présentent leur rhum Toucan.

Les rhums Toucan au Rhum Fest

Ce rhum, agricole comme quasiment tous les rhums des DOM français, est issu de la seule distillerie guyanaise. Je passe assez rapidement sur ce rhum, parce que Baptiste a prévu de vous faire un compte-rendu beaucoup plus détaillé de leur histoire et de la dégustation. Ils présentaient trois produits, et je pense que l’on peut dire que la version rhum blanc à 50° est celle qui nous a le plus séduit, mais chut, je n’en dis pas plus.

14h08, Stand Depaz
Après une pause sandwich bien méritée, il faut bien prendre des forces avant la suite des épreuves de la journée, on s’attaque à Depaz, la distillation de la Montagne Pelée, autant dire qu’on va avoir droit à un rhum volcanique (cette blague est sponsorisée par Laurent Ruquier). Encore une fois, c’est le blanc qui m’impressionne le plus : une sensation de gras et d’onctuosité en bouche proprement incroyable. Cette viscosité vient du fait de la lenteur avec laquelle est opérée la réduction du degré d’alcool. CocktailMolotov va enquêter sur le phénomène physico-chimique qui explique comment la vitesse avec laquelle on ajoute l’eau au rhum pour atteindre les 55° visé pour ce rhum joue sur la texture finale.


Un détour par le stand CBH où on goûte le Golden Falernum de Bitter Truth, plus sucré et moins épicé que le Velvet Falernum, et surtout, grande curiosité, du rhum de la Nouvelle-Orléans, notamment la version Cajun Spice qui m’a rappelé par certains côtés les Memphis Barbeque Bitters d’un cocktail bû à la Candelaria.


Mince il est déjà l’heure de filer à la

15h00, Conférence Plantation
Comme des mauvais élèves, on se retrouve au dernier rang pour la présentation de la gamme Plantation de Cognac Ferrand (mais nous n’en perdrons pas une miette) par Alexandre Gabriel, un des personnages les plus passionnés et des plus emblématiques du renouveau spiritueux français, et même mondial à en juger par les nombreuses médailles que collectionnent les produits de la Maison Ferrand dans les divers concours internationaux. Petite parenthèse avant d’aborder le contenu de la conférence, comme vous pouvez le voir sur la photo, nous étions équipés de casques : comme il y avait une autre conférence qui se déroulait juste à côté, le micro ne renvoyait pas le son dans des hauts parleurs, mais directement dans les casques. C’était assez original, mais ça a plutôt bien fonctionné, le seul véritable inconvénient est que la communication avec votre voisin vous oblige à ôter le casque.


Alexandre a choisi de nous présenter ses rhums du plus léger au plus lourd. Il précise qu’il emploie ces termes de manière assez rationnelle et qu’ils n’ont aucune valeur méliorative ou péjorative. Grosso modo, un spiritueux contient de l’eau, de l’éthanol et le « reste », ces fameux congénères que nous avions déjà évoqués, qu’il appelle les non-alcools. Les rhums légers en contiennent peu, les rhums lourds en contiennent plus. Ce sont ces éléments qui vont déterminer au final la palette aromatique de votre spiritueux (l’eau H20 ou l’éthanol C2H5OH étant les mêmes qu’ils proviennent de vodka, de rhum ou de whisky …). Bien entendu, leur quantité ne laisse rien présager de la qualité du spiritueux (puisque vous pouvez avoir de peu non-alcools très bons, beaucoup de non-alcools mauvais, et bien sûr inversement beaucoup de bons non-alcools et … bref vous m’avez compris). On commence par un petit passage sur la différence entre la distillation en alambic et la distillation en colonne : la première est plus coûteuse car elle oblige à faire la sélection dans le temps et à distiller plusieurs fois (distillation par batch), alors que la seconde permet une sélection spatiale en faisant une seule distillation (distillation continue).

On apprend que le rhum est distillé sous les latitudes caribéennes depuis le XVIe siècle, et que la Barbade est la seule île a avoir un certificat qui atteste de la plus ancienne production de rhum, ceci étant en partie dû au fait que la Barbade était le centre administratif de l’empire Britannique pour toutes ces îles. Bien entendu, cela n’empêche pas ses voisines de revendiquer chacune l’origine du rhum. La dégustation se fait dans l’ordre suivant : Trinidad, Grenade, Barbade (beaucoup de « ade » tout ça …), Jamaïque et Sainte-Lucie.

Cette fois-ci, ce sont les deux derniers que j’ai préféré. On retrouve dans chacun de ces rhums un côté épicé, voire carrément corsé pour le jamaïcain, la version Sainte-Lucie étant plus raffinée que son cousin rustique. Les deux m’ont donné envie de les compléter d’une bonne rasade de Ginger Beer, et de boire le tout très frais par un après-midi bien chaud.

Dernier fait marquant que j’ignorais pour ma part, les maîtres de chai font vieillir les sucres, parfois plusieurs années, comme leurs rhums, et l’ajoutent à leur produit final, en quantité assez faible (une douzaine de grammes par litre, comme les champagnes bruts par exemple) voire carrément plus élevée notamment dans les îles plus « espagnoles ». Bien entendu, cela joue aussi sur la couleur finale du produit, parce que ces sucres prennent à force une belle couleur caramélisée.

16h27 Stand de la Maison du Whisky
Pour l’occasion on renommera la Maison du whisky en LMDR : on finit de découvrir la gamme Plantation, notamment l’Overproof Dark Rum que Baptiste ne connaissait pas. On passe ensuite aux Clairins d’Haïti que j’avais ratés lors du dernier Whisky Live. C’est un peu un ovni au milieu de tous ces rhums, en bouche, c’est très puissant et très franc, et surtout sur des notes que l’on ne retrouve pas forcément dans les rhums, quelque chose d’un peu herbacé, un côté aussi umami. Mais au final, la canne à sucre reprend le dessus. Très belle découverte.

Nous aurions pu rester encore au Rhum Fest, nous n’en avions pas encore vu la moitié, mais déjà nos papilles saturaient, malgré les fréquents verres d’eau pétillante que nous avons ingurgité dans le but de nous rincer de le palais. Seulement voilà, chez CocktailMolotov, on aime beaucoup les spiritueux, mais on aime encore plus les mélanger, et il faut dire que niveau cocktail, c’était un peu la dèche : quelques stands proposaient de découvrir leurs rhums en Ti’punch, il y avait aussi un bar à tiki, mais journée grand public oblige, il était complètement pris d’assaut. On prend donc la décision avec Baptiste de se retrouver à 20h au Dirty Dick pour siroter tranquillement Mai Tai et autres cocktails tropicaux, non sans passer faire un dernier coucou au stand Trois Rivières où je suis séduit par le 5 ans tandis que Baptiste vote pour le 8 ans.

20h42 Dirty Dick, rue Frochot
Entre temps, nous avons eu du renfort en les personnes de Sarah et Astrid : une bonne excuse pour commander deux cocktails supplémentaires et donc découvrir un peu plus largement la carte. J’étais déjà passé une première fois assez rapidement dans ce bar, et j’avais goûté la Mula Mexicana, qui fait donc une entorse à l’ambiance tiki bar puisque c’est un cocktail à la tequila, mais c’était un très bon cocktail, et je vous le recommande, même si ma description s’arrêtera là, en effet, cela remonte à bientôt un an, et ma mémoire, bien qu’excellente, n’est pas infaillible.


J’attaque donc avec un Polynesian Remedy, version « rhum » du Penicillin. Rhum, gingembre, miel, le mariage est parfait. Le côté fumé se fait très discret, tout en nuance, mais ça vaut peut-être mieux, on veut quand même de la fraîcheur tropicale. Le goût est très homogène (mais j’ai le palais assez encombré il faut le rappeler). Baptiste contre-attaque avec un Ba-tiki-da, un mélange de cachaça et de noix de coco. C’est assez franc, et très simple, même un peu trop pour être un vrai cocktail, mais c’est rafraîchissant, et parfois c’est suffisant. Sarah teste un classique Mai Tai, correctement exécuté, on regrettera juste que le rhum étant quand même à l’honneur dans le bar, on n’ait pas eu droit à un rhum un peu plus costaud, un peu plus marqué. Bref on aurait préféré une petite prise de risque, mais c’est vraiment très personnel comme jugement. En sirotant les cocktails, on prend quand même le temps d’apprécier la déco tiki : kitsch à souhait, elle vous transporte en un instant en Polynésie. Pari réussi.


Enfin la surprise de la soirée, le Monkey Seeds, Monkey Screwed, à base de whisky Monkey Shoulder : la banane lui donne une consistance très épaisse, et les avis allaient du bol de Muesli à la barre de Grany. Sans exagérer, on est plus dans le smoothie que dans le cocktail au niveau de la texture, et ça donne un velouté assez agréable. On retrouve au niveau du goût un côté toffee anglais voire du sucré-salé comme le fameux caramel beurre salé des Bretons. J’ai vraiment aimé, mais il faut dire que j’en ai bu seulement une gorgée pour goûter. Astrid a eu un peu plus de mal à finir son verre qui représentait certainement un repas complet au niveau calorie en tout cas.

Ainsi s’achève le compte-rendu de cette journée qui s’est déroulée à 100 à l’heure, à bientôt pour de nouvelles aventures sur CocktailMolotov.