TL;DR : Suite à notre article sur le sucre dans le rhum, nous revenons sur la méthode scientifique qui a permis de mettre en évidence cette présence de sucre, et d’en estimer les concentrations. Les considérations générales de cet article sont issues de mes connaissances de prépa, qui commencent à dater, je fais confiance à nos lecteurs les plus pointus pour les corriger s’il le fallait. Les détails relatif à l’estimation du taux de sucre dans les spiritueux sont en grande partie inspirés de cet article en anglais par Johnny Drejer
Mesurer le taux d’alcool
Avant de nous poser la question du taux du sucre, nous allons commencer par poser celle du taux d’alcool. Nous verrons ensuite comment cela est relié à la question du taux de sucre.
En général, le plus simple est de faire confiance à l’étiquetage. Quand on n’y a pas accès (alcool maison, ou quand justement on veut vérifier l’étiquetage), on peut utiliser un densimètre, c’est un appareil très simple d’utilisation, dont le fonctionnement repose sur le principe d’Archimède.
Le principe d’Archimède
Petit intermède Archimède, pour vous rappeler cet énoncé que vous connaissez certainement par cœur, mais que vous ne savez peut-être pas interpréter :
Tout corps plongé dans un liquide, reçoit une poussée égale au poids de volume déplacé.
Si je plonge un objet de 1 L de volume dans l’eau, il va recevoir une poussée (vers le haut) égale au poids de 1L d’eau (soit environ 9,80 Newton, puisque 1L d’eau pèse 1 kg, et que sur terre, une masse de 1 kg équivaut à un poids de 9,80 N).
Si je plonge le même objet dans de l’éthanol pur, il va recevoir une poussée égale au poids de 1L d’éthanol, soit 7.74 N, puisque la densité de l’éthanol est de 0.79 environ.
Les objets moins denses que l’eau reçoivent donc une poussée supérieure à leur poids (à volume égal, l’eau pèse plus), ils flottent. Les objets plus denses coulent.
Spiritueux = mélange eau-éthanol
Comme souvent dans un problème de physique, nous allons passer par l’étape de la modélisation. Un spiritueux peut être modélisé comme un mélange eau-éthanol. En effet, les espèces chimiques présentes dans les spiritueux qui ne sont ni de l’eau ni de l’éthanol peuvent être négligées (pour nos calculs de densité, pour le nez et la bouche, c’est au contraire ces espèces qui donnent toutes les nuances de goût). Un spiritueux qui indique 40% d’alcool sur son étiquette est donc constitué de 40% d’éthanol et de 60% d’eau dans notre approximation.
Ainsi, si un objet est plus dense que l’eau, il va couler dans le spiritueux. S’il est moins dense que l’éthanol, il va flotter. S’il se maintient en suspension, c’est que sa densité est probablement entre les deux.
C’est comme cela que fonctionne un densimètre : on immerge un objet dont la densité se situe entre celle de l’eau et celle de l’éthanol. Cet objet est gradué, et convertit directement sa ligne de flottaison en taux d’alcool.
Ce type d’objet ne coûte vraiment pas cher (sur Amazon par exemple), il y en a à moins de 10 €, pour ceux qui voudraient connaître le taux d’alcool de leurs liqueurs maison, je pense que c’est un achat utile.
Mesurer le taux de sucre
Maintenant, nous savons estimer le taux d’alcool, mais quel est le lien avec le taux de sucre ?
Rappelez-vous l’hypothèse que nous avons faite pour le fonctionnement du densimètre : le liquide estimé doit être un mélange d’eau-éthanol. Mais si jamais le liquide en question n’était pas vraiment un mélange eau-éthanol, mais plutôt un mélange eau-éthanol …. -sucre, que se passerait-il ?
C’est bien simple, l’ajout de sucre modifie la densité du mélange eau-éthanol, et le densimètre donne donc une valeur érronée en lecture. Erronée certes, mais par rapport à quoi ? Par rapport à l’étiquetage officiel pardi ! Sur lequel on peut faire confiance aux industriels, je pense que la DGCCRF y veille.
Donc ce qu’il faudrait c’est une formule qui, à partir du taux d’alcool de l’étiquetage (réel), du taux d’alcool mesuré par le densimètre (dévié par le sucre), nous donne le taux de sucre (on fait l’hypothèse qu’il n’y a que du sucre qui puisse dévier le densimètre). Et bien c’est exactement ce que nous fournit Mr Drejer avec ses tables. Il a ajouté petit à petit du sucre dans l’eau et a observé les variations de densité. Il en a déduit une table qui donne le taux de sucre en fonction de la variation de densité.
Pour récapituler : nous avons vu comment estimer le degré d’alcool d’un spiritueux à partir de sa densité, comment le sucre peut modifier cette densité, et comment on peut utiliser cette déviation dans la densité pour estimer le taux de sucre, et notre bon danois, Mr Drejer, a déjà fait tous les calculs compliqués pour nous, et nous laisse une table à utiliser pour faire ces expériences à la maison.