Voyage au pays du cocktail : du Mojito au Daiquiri

Lundi 24 juin, dans un monde parallèle, c’est enfin l’été, et il fait chaud, bref rien à voir avec notre monde.

Les terrasses des cafés sont pleines à craquer, et les barmen croulent sous les commandes de … Mojito. Eh oui, de Mojito, pas de Old Cuban ou de Honeysuckle, pas même de Daiquiri. Moins connu, surtout en France où la version « Frozen » n’a pas encore réellement débarqué, le Daiquiri, quand il est préparé dans certaines proportions (Embury, Difford) est aussi plus complexe à boire. Il fait la part belle au rhum, à la fois par un degré d’alcool plus élevé (mais pas beaucoup plus élevé non plus),  et par des arômes plus présents, l’acidité et le sucre passent au second plan. Bref, alors qu’ils ont beaucoup d’ingrédients en commun, Mojito et Daiquiri sont des cousins très éloignés.

Plus que l’hiver, Ned Stark redoute la saison des Mojitos

Aujourd’hui c’est donc un article un peu différent qu’on vous propose sur CocktailMolotov. Le but de ce blog a toujours été de montrer que le cocktail est facile à préparer, et qu’on peut faire chez soi des recettes très originales, que beaucoup de barmen ne connaissent pas, et qu’il est pourtant essentiel d’avoir dégusté au moins une fois dans sa vie ou de connaître pour des raisons historiques. Mais ce n’est pas parce qu’un cocktail est simple à préparer qu’il est facile à boire. Ce qu’illustrent parfaitement le Mojito et le Daiquiri : un Daiquiri est prêt en 15 secondes chrono avec un bon barman, alors que c’est plutôt une minute pour un Mojito correct. Le plus facile à boire est donc le plus complexe à préparer.


C’est pour ça qu’aujourd’hui, nous allons partir en voyage. Le point de départ est un cocktail que vous connaissez sur le bout des doigts, parce que vous l’avez déjà préparé, commandé, bu des dizaines de fois : le Mojito. Et petit à petit, en changeant un ingrédient par ci, en changeant un dosage par là, nous allons arriver au Daiquiri. Ce voyage n’a pas de logique historique par exemple. La seule logique de ce voyage, c’est de vous faire découvrir plusieurs cocktails, chacun étant une petite variation du précédent, jusqu’à arriver au cocktail final sans que vous vous soyez aperçu du changement. C’est l’allégorie de la grenouille : de même que la grenouille ne resterait pas dans la casserole si on la jetait directement dans l’eau bouillante, vous n’aimeriez pas un Daiquiri 8:2:1 si c’était le premier cocktail de votre vie. Entrez dans la casserole d’eau froide avec un Mojito, on va vous faire chauffer comme cette pauvre grenouille petit à petit jusqu’à ce que vous buviez des Daiquiri. Croyez-moi ça sera plus agréable pour vous que pour la grenouille !

Première étape : le Mojito

Recette

  • 6 à 8 feuilles de menthe
  • 2 cuillères à café de sucre blanc
  • 5 cl de rhum blanc
  • 2 cl de jus de citron vert
  • 1,5 cl d’eau gazeuse

Voilà, vous avez eu un petit rappel de la recette et de la vidéo. Que dire de plus ? C’est frais, léger, pétillant, presque évanescent … une entrée en matière tout ce qu’il y a de plus facile. Passons à la suite.

Deuxième étape : le Old Cuban

C’est une variation du Mojito Royal un peu plus raffinée, créée par Audrey Saunders, papesse du cocktail new-yorkais. Elle a à son actif d’autres néo-classiques comme le Earl Grey MarTEAni, le Gin Gin Mule ou le French Pearl. Au lieu d’être préparé au verre, comme le Mojito et beaucoup de cocktails rustiques (Caïpi, Ti’Punch, Julep …), il est préparé au shaker et servi straight.

Ingrédients

  • 7 à 8 feuilles de menthe verte
  • 4,5 cl de rhum industriel ambré
  • 3 cl de sirop de sucre
  • 2 cl de citron vert
  • 2 traits d’Angostura
  • 6 cl de champagne

Avec ce drink, ni vu ni connu, on a mis du rhum ambré au lieu du rhum blanc, l’eau gazeuse a laissé la place au champagne, et on a ajouté une petite touche d’Angostura en plus pour le côté épicé. En bouche, il sera donc un peu plus sec, un peu plus boisé, mais vous ne serez pas déboussolé après un Mojito. Pour résumer l’évolution de goût entre les deux, on peut dire que le Mojito est pour les demoiselles, et le Old Cuban est pour les dames. Vous êtes prêts pour l’étape suivante.

Troisième étape : le Air Mail

Ce drink apparaît presque spontanément en 1949 d’après David Wondrich, à mi-chemin entre le Honey Bee et le French 75. Là encore, rien de traumatisant à passer d’un Old Cuban à un Air Mail : remplacer le sucre par du miel n’est pas très sorcier, et oubliez juste de mettre de la menthe. Le résultat est encore plus direct en bouche, le miel apportant de la rondeur, le rhum étant là plus pour le « kick ». Next level.

Ingrédients

  • 4 cl de rhum industriel ambré
  • 1 cl de citron vert
  • 1 cuillère à café de miel
  • 9 cl de champagne

Quatrième étape : le Honeysuckle

Ici, l’évolution naturelle serait de laisser sa bouteille de champagne au frigo et de se préparer un Honeysuckle avec du rhum, du citron vert et du miel. Mais les doses généralement admises pour ce genre de cocktail sont trop proches de celles d’un vrai Daiquiri, il nous faut une petite transition entre les deux, qui pourrait être un Daiquiri 2:1:1 ou même un Daiquiri servi sur glace pilée (ce qui n’est pas tout à fait un Frozen Daiquiri, attention, je vous vois venir !). On se préparera donc un Honeysuckle 2:1:1. Le rhum n’est pas encore trop présent, et le miel contrebalance à la fois en goût et en douceur le rhum.

Ingrédients

  • 5 cl de rhum industriel ambré
  • 2,5 cl de citron vert
  • 2 cuillères à café de miel

Dernière étape : le Daiquiri 8:2:1 (Formule de David Embury)

Vous y êtes enfin arrivé : le Saint Graal du cocktail tropical. Pas d’acidité qui attaque la langue, pas trop de sucre qui sature les papilles, juste ce qu’il faut pour rehausser les différents arômes du rhum, l’alcool, toujours présent, a été un peu anesthésié par la dilution, le froid et le sucre. Bien que fondamentalement différent dans sa structure, je le rapprocherai du Old Fashioned dans son approche, qui était d’ailleurs l’approche originale de tous les cocktails : c’est une mise en valeur du spiritueux de base. L’un est LE cocktail au sens premier du terme (spiritueux-bitter-sucre), l’autre est LE sour (spiritueux-citron-sucre). Ces deux structures représentent chacune chez David Embury les méta-cocktails qui sont à la base de tous les autres.

Il va sans dire qu’il faut utiliser un bon rhum pour ce cocktail : quel est l’intérêt de mettre en valeur des arômes de chien mouillé et d’œuf pourri ? Pour être le plus fidèle à la recette, je vous recommande du Havana Club 3 ans d’âge. Pour un bouquet plus puissant, le Plantation 3* de Cognac Ferrand ou le Banks 5 sont des rhums de choix. De toute façon, le rhum et les proportions sont les seuls paramètres sur lesquels vous pouvez vraiment jouer pour ce cocktail. Si l’on fixe les proportions comme étant celles d’Embury (et ce sont celles que CocktailMolotov préconise), alors il ne vous reste plus qu’à expérimenter avec différents rhum.

Ingrédients

  • 8 cl de rhum industriel ambré
  • 2 cl de citron vert
  • 1 cl de sirop simple

Au-delà de l’exercice intellectuel que cet article représentait pour nous (trouver un chemin agréable qui va du Mojito au Daiquiri parmi les cocktails existants), il y a cette volonté toujours présente de vous faire découvrir de nouveaux cocktails, et de vous convaincre de sortir des sentiers battus – mais si vous venez sur ce site, c’est que vous êtes convaincus du bien-fondé de cette démarche. Si vous avez suivi scrupuleusement toutes les étapes, vous êtes maintenant des grenouilles bien cuites. Bienvenue au club des amateurs de Daiquiri, je doute que vous le quittiez un jour.