Ce weekend, j’étais à Londres. C’est une scène cocktail toujours en effervescence, mais je me suis contenté d’un seul bar à cocktail : le BYOC, pour Bring Your Own Cocktail.
Le concept de ce bar est simple : pour 25£/tête/2h, le bar vous fournit un barman et des mixers (jus, soft, bitters, pas de liqueurs ni de vermouth en revanche), et vous ramenez votre bouteille de spiritueux. Pendant ces deux heures, le barman vous préparera des cocktails avec votre bouteille. A la fin des deux heures, vous repartez avec ce qu’il reste dans votre bouteille.
Votre serviteur a débarqué avec deux bouteilles : un bourbon Knob Creek, et un Portobello Road Gin. Je trouvais ces bouteilles correctes pour un bar à cocktails. Mais à ma grande surprise, les barmen étaient ravis de les voir, et se sont fait un plaisir de nous préparer 6 cocktails (au lieu des 4 servis généralement). Mais je ne suis pas là pour vous raconter mon expérience dans ce bar (personnellement j’ai passé une excellente soirée), mais pour vous parler des autres tables.
A la réaction des barmen à la vue de nos bouteilles, je me suis douté qu’ils ne devaient pas voir si souvent ce genre de flacon. Et un rapide coup d’œil autour de moi a vite confirmé ce pressentiment. Captain Morgan, Bacardi, vodka marque de distributeur, J&B’s … Pourquoi quand on a déjà payé 25 £/tête pour 2h, qu’on a réservé 3 semaines à l’avance, et surtout quand visiblement on travaille chez < insert evil bank name > et qu’on discute du montant de son bonus annuel en dizaine de kilo-livres, on va quand même passer sa soirée à boire un alcool à 12 £ la bouteille ?
Pour une tournée d’une dizaine de cocktails, mettre 10 £ de plus dans votre bouteille augmente de 1 £ le coût de chacun de vos verres. Autant dire que vous augmentez le prix de votre cocktail de 10-20 %, pendant que niveau qualité, vous passez à la gamme supérieure. De plus l’occasion est spéciale, puisque ce bar est pour l’instant le seul à faire cette offre à Londres. Je n’ai pas hésité une seconde à dépenser quelques livres de plus. Nous étions pourtant les seuls avec mon acolyte parmi la cinquantaine de clients qui étaient présents. Qu’est ce que cela nous apprend ? Premièrement que j’accorde peut-être beaucoup trop d’importance aux cocktails et que je suis certainement passé pour un sale frimeur auprès des autres clients. Deuxièmement que face au choix de faire des économies de bout de chandelle en buvant de la merde ou de dépenser quelques livres de plus et boire des cocktails de qualité, 96 % des gens préfèrent la première option (sondage réalisé n’importe comment par l’institut Molotov. Échantillon non représentatif). Quelles conclusions en tirer ?
Blague à part sur la représentativité de l’échantillon, je pense justement que les gens qui étaient ce soir dans ce bar sont représentatifs de la clientèle des bars à cocktails et sont certainement les autres soirs de la semaine à l’ECC de Londres, au Nightjar, au Happiness Forgets et autres établissements reconnus pour la qualité de leurs drinks. Ils étaient dans la tranche d’âge 25-35 ans, avaient l’air de gagner plus que correctement leur vie et toujours à l’affût de nouvelles expériences éthyliques. Et pourtant, dès qu’on leur donne carte blanche en matière d’alcool, ils se dirigent directement vers le moins cher. Le constat est terrible : même les gens qui vont dans les établissements reconnus pour leurs cocktails privilégient le prix et la quantité sur la qualité. Dès lors, on peut se poser la question : que vont-ils faire dans ces bars ? Aiment-ils vraiment les cocktails ? Savent-ils ce qu’ils boivent ? Le succès des bars à cocktails est-il vraiment le succès du cocktail ? De manière très pessimiste, j’ai envie de répondre non à ces trois dernières questions. Et à la première je répondrai que 95 % des clients de bars à cocktail n’y connaissent rien en matière de cocktail, et ils y viennent pour l’ambiance, la déco, la musique, le service, la drague … Pour les cocktails, ils les apprécient parce qu’on leur a dit qu’ils étaient bons. Le client de bar à cocktails n’est pas éduqué.