Vous prendrez bien un peu sucre dans votre rhum ?

Dans certains pays l’adjonction de sucre dans le rhum est interdite légalement (Jamaïque, Barbade, AOC Martinique par exemple). Ce n’est pas forcément le cas ailleurs, et certains s’en donnent à cœur joie (en Amérique du Sud notamment). Des producteurs comme Alexandre Gabriel pour ne citer que lui assument la pratique. Pour d’autres c’est un secret jalousement gardé. CocktailMolotov souhaite tout simplement plus de transparence pour le consommateur.

Le sucre ne survit pas à la distillation

Des tas de choses passent l’étape de la distillation : de l’éthanol bien sûr, de l’eau aussi, des esters (des molécules odorantes), des fusels (de la famille des alcools), mais s’il y a bien une chose qui n’y survit pas, c’est le sucre ! Et c’est vrai pour tous les spiritueux, même pour le rhum, qui est fait à base de … canne à sucre.

La question à un million de dollars est donc : pourquoi les gouvernement finlandais et suédois (rappelez-vous, nous avions déjà parlé des pays nordiques qui analysent tous les alcools mis en vente sur le marché) trouvent du sucre dans certains rhums ?

Pourquoi ajouter du sucre dans le rhum ?

Pour le rendre meilleur, voire pour certains, pour le rendre buvable. Tout passe mieux avec un petit peu de douceur. Rappelez-vous les médicament qu’on vous faisait avaler à grand renfort de sucre pour ne pas vous faire tirer la grimace. Et bien là c’est pareil !

Je re-précise : rhum sucré ne veut pas forcément dire « rhum dont on a masqué la mauvaise qualité ». Mais il y en a certains pour qui c’est le cas. Il y en a aussi de très bons pour lesquels le master blender a décidé qu’il était sublimé par un ajout de sucre.

L’autre raison pour laquelle certains ajoutent du sucre, c’est parce que ce petit goût sucré amène l’imaginaire d’un produit qui a échangé pendant longtemps avec son fût d’élevage, pour en extraire des notes de vanille ou de caramel par exemple (toutes deux synonymes de goût sucré).

On trouve alors l’équation magique :
rhum sucré = rhum qui est resté longtemps dans son fût = rhum vieux = rhum de bonne qualité = rhum cher

Tadaaaaaaaaa ! Pour peu que vous rajoutiez un peu de caramel comme dans le whisky, que vous trafiquiez les mentions d’âge en mettant le rhum le plus vieux plutôt que le rhum le plus jeune (Solera-a-a-a-a), et pouf magie, vous croyez avoir dans votre verre un rhum expérimenté d’une quinzaine d’années, alors que vous avez principalement un rhum puceau.

La réglementation du rhum

La véritable question soulevée par cette histoire de sucre, va bien au-delà. On le voit bien, il y a aussi des problèmes d’étiquetage, de mention d’âge, et même d’ingrédients (sont étiquetés « rhum » des breuvages qui sont plutôt des « rhums arrangés »). Richard Seale a une position très stricte là-dessus, avec un argument en deux parties que je trouve très convaincant :

  1. Il faut être transparent sur l’étiquetage du rhum, ie il faut lister tout ce qu’il y a dans la bouteille.
  2. Par rapport à d’autres spiritueux, comme le whisky, cela ne ferait pas sérieux que cet étiquetage fasse apparaître une « liste » d’ingrédients, comme si c’était une préparation culinaire. En conclusion une bouteille de rhum ne doit contenir que du rhum. CQFD

Conclusion

Cet article n’est qu’une introduction à ces histoires de sucres dans le rhum, qui elles-mêmes ne sont qu’une pierre parmi les multiples rochers que contient le jardin de l’uniformisation des réglementations concernant le rhum. Il en faudra certainement beaucoup d’autres pour avoir une vue complète du sujet, déjà parce qu’il est complexe, et aussi parce que je sens bien que je tiens un bon filon, et que je vais l’exploiter jusqu’à la moelle. #puteàclics #techniquedevoyou #buzzfeed

Attendez-vous à voir d’autres articles sur le sujet sur le blog. Notamment un peu de chimie, puisque j’essaierai de vous expliquer comment ces mesures de taux de sucre ont été faites à l’aide d’un densimètre. Vous le savez, CocktailMolotov c’est un peu une excuse pour faire des trucs cools (de la science donc) avec des trucs ennuyeux (les cocktails !).

Vous connaissez l’engagement de CocktailMolotov pour la transparence, et nous sommes donc alignés avec l’idée qu’il faut lister tout ce qu’on trouve dans la bouteille. En ce qui concerne l’ajout ou non de sucre, je suis tiraillé : d’un côté, si quelqu’un de plus expérimenté que moi a décidé que ce rhum était meilleur avec un peu de sucre, pourquoi ne pas lui faire confiance ? Mais à l’inverse, du sucre, j’en ai dans le placard, si mon rhum est amélioré par un peu de sucre, ne vous inquiétez pas pour moi, je le rajouterai moi-même !